Pr. Khalifa Chater

 

 

Peut-on définir la situation tunisienne actuelle par du vadrouillage politique ? L’examen du jeu des acteurs laisse penser qu’ils s’activeraient sans but défini, au-delà des enjeux idéologiques et fait plus grave, dans une transgression des attentes du citoyen. Certes, le processus engagé par le président, le 25 juillet 2021, renouvelle la donne : Il a mis fin au gouvernement Méchichi, allié de fait de Nahdha, suspendu le parlement et mis en cause l’action des partis ? Mais l’horizon n’est guère défini, dans une occultation des repères politiques.

La nouvelle gouvernance : De fait, le président Qais Said a établi un régime présidentiel : Il a choisi le chef du gouvernement- de fait un premier ministre ! – préside le conseil de ministres, formule ses directives et demande leur exécution. Le gouvernement réunit des compétences évidentes. Mais sa marge de manœuvre est bien réduite.

D’autre part, le président met à l’ordre du jour des réformes électorales. Il semble opter pour un régime jamihirien, à l’instar du pouvoir kadhafien, qui a pu s’établir, grâce à la manne pétrolière, non disponible en Tunisie. « La volonté du peuple » et le populisme politique ne peuvent constituer un programme. La nouvelle gouvernance fait valoir une gestion politique de l’économie, qui ne peut traiter la crise sociale et arrêter le développement du chômage. Le nouveau régime serait-il en mesure de sauvegarder la démocratie, alors qu’il condamne les partis, qu’il transgresse les institutions et ne répond pas aux attentes ?

Fait évident, le peuple souhaite, outre la rectification du régime qu’il approuve, des mesures concrètes, contre la corruption et la redynamisation de l’économie. L’endettement a annihilé le budget de l’investissement, depuis des décades. Programme financier exclusif, l’attente des prêts du FMI, de la banque mondiale et le recours à l’emprunt national.

La réaction de Nahdha :  Ce parti, mis en cause par l’actuelle gouvernance, revendique un déblocage de la situation. Ménagé de fait par le président, dans cette conjoncture d’attente, Nahdha semble se ressaisir. Elle multiplie les manifestations, revendique le retour de fonctionnement du parlement, intervient auprès des acteurs étrangers « pour restaurer la démocratie ». Mais elle doit compter sur la popularité du président et la dénonciation de son action, par les défenseurs d’un régime civil, bien hostiles à la théocratie. Peut-elle oublier que le premier chef du gouvernement de la troïka a annoncé l’avènement du sixième califat ?

Son discours contre « le coup d’Etat », relayé par les partis « démocratiques », ses mots d’ordre ne paraissent pas convaincants. Le traitement par la justice de la corruption, lors des précédentes élections, risque d’annihiler certaines élections. D’autre part, le procès de l’assassinat de Lotfi Nagdh et la condamnation de certains membres de Nahdha de la région, qui y étaient impliqués confirment le changement du régime et l’indépendance de la justice. Les ennemis de l’islam politique croient à la fin du cauchemar et reformulent leur rêve d’une Tunisie moderne, ouverte, tolérante, égalitaire et démocratique.

Le dernier sondage d’opinion : Le dernier sondage de Sigma Conseil (11 au 15 novembre) met en avant le taux d’optimisme des Tunisiens vis-à-vis de la classe politique. Les Tunisiens croient à l’impact des décisions présidentiels du 25 juillet. Kaïs Saïed président de la République bénéficie d’un large taux de confiance des Tunisiens (66%), malgré une légère baisse de sa popularité.  La cheffe du gouvernement, Najla Bouden bénéficie de 35% de confiance. Ce qui atteste un soutien populaire de la décision présidentielle. Abir Moussi, la présidente du PDL arrive en 4ème position avec 18%.  La baisse de la popularité des dirigeants de Nahdha est évidente à l’exception de Abdellatif Mekki, ancien ministre de la Santé qui obtient 20%. L’exception confirme la règle. Nous remarquons ainsi que les dirigeants des partis démocratiques, à l’exception du Destour n’existent pas sur l’échelle politique du sondage. Est-ce à dire que la société civile, désormais partagée entre le Président et Abir Moussi les a abandonné ?