Pr. Khalifa Chater

 

‘‘La plupart des hommes ont des incidents. Quelques-uns ont des destins.’’ (Louis Pauwels, Blumroch l'admirable, Éd. Gallimard, p. 129)

Les acteurs politiques tunisiens ont formulé, lors de la révolution, d’importantes revendications politiques, sociales et économiques. Ils s’érigèrent en vendeurs de rêves. Nouvelle donne, ils sont désormais résignés. Le gouvernement a opté pour le libéralisme, qui supposerait, selon ses auteurs, un développement spontané. Fait évident, la crise perdure, occultant toutes velléités de changement.  Or, ‘‘Quand un peuple ne défend plus ses libertés et ses droits, il devient mur pour l’esclavage’’ (Jean Jacque Rousseau).

D’autre part, le gouvernement subit une pression politique et migratoire. Nouveau souhait des jeunes tunisiens, ‘‘il faut déguerpir !’’. L’horizon méditerranéen et l’émigration vers l’Europe et peut être l’au-delà alimentent leurs rêves. Changement de perspectives, la nostalgie des hommes de Nahdha n’est plus à l’ordre du jour, occultée par la quête d’un avenir européen.

Le mémorandum signé par la Tunisie avec l’Union Européenne réactualise le partenariat et annihile les velléités d’émigration vers l’Europe.  Il ne livre pas de calendrier pour une mise en œuvre des actions convenues. De fait, il s’agit d’un contrat contraignant. Une somme ridicule serait donnée à la Tunisie pour l’arrêt de l’émigration et, de mettre fin, si possible, à l’émigration africaine, à partir des côtes tunisiennes.

La population tunisienne est favorable à la mutation, qui est évidemment liée au progrès. Les mutants ne sont-ils pas la mémoire du futur ? (Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le Matin des magiciens, introduction au réalisme fantastique, Gallimard, collection Blanche, 1960. p. 626). La population envie le sort des pays du Golfe. Ce paradis des nouveaux riches suscite son admiration.

La pénurie du pain, de l’huile et du sucre suscite l’inquiétude générale. Le gouvernement devrait réagir.. Comment répondre aux vœux des citoyens. Il faudrait, au préalable, les identifier.

Le Président de la république détient l’essentiel du pouvoir, s’accommodant des survivants politiques. Il dicte régulièrement ses ordres au gouvernement. Mais il n’a pas d’objectifs pour résoudre la crise économique et sociale. Il s’est retranché derrière le rempart d’une indifférence ostensible et laisse faire. Or, il faut redresser la barre, faire un diagnostic sérieux et réagir en conséquence. Il faut aller à l’essentiel. L’écartement de Mme Nejla Bouden fut un acte gratuit. On ne connait pas les compétences du nouveau chef de gouvernement. L’antibourguibisme ne peut constituer un programme. Il remettrait à l’ordre du jour la politique de la troïka et de sa fameuse décennie de repli identitaire.

L’UGTT, qui affirme sa solidarité avec les citoyens, fait valoir la nécessité de traiter la question de la pénurie alimentaire.

Fait évident, ‘‘il ne faut pas confondre la vérité avec l’opinion de la majorité’’ (jean Cocteau).